“She looked at me penetratingly. So, I suppose you can figure out what happened next.”
IGGY POP
C’est comme si tout avait eu lieu, mais que rien n’avait existé.
Le défilé Pressiat SS23 SUSPICIOUS , lors de la dernière Fashion Week parisienne, était la rencontre entre les icônes Marilyn Monroe et Iggy Pop.
A l’ouverture du show, un « Happy birthday to you Mister President » dévoilait l’héroïne du glamour nocturne de Pressiat, ébouriffée après une rave. Le créateur impose ses codes, des références variées de l’ère victorienne, du Hollywood des années 50 à l’anarchie des années 80.
Vincent Garnier Pressiat et moi nous sommes rencontrés au Petit Palace. Ce club parisien où il arrive que l’on commence à danser, et l’énergie de la pièce se transforme. Nous avons parlé des heures, une connexion particulière naissait après une période asservie par l’impossibilité d’assouvir nos désirs fous de danser. Il me raconte un peu de son histoire, de son parcours, nous échangeons longtemps. C’est une méditation sur la puissance des connexions humaines et créatives. Il me susurre quelque chose d’une justesse indécente à l’oreille et me demande de faire partie de ses muses pour son prochain défilé. Deux oiseaux aux errances aussi nocturnes qu’intimes et introspectives s’étaient trouvés. J’accepte évidemment, séduite par la vie, l’esthétique, la profondeur de ce jeune prodige qui « pue la mode » !
PRESSIAT est une marque éponyme « no-gender ». Lancée en Mars 2021, elle se définit comme chic, provocante avec une élégance à la parisienne ; hommes et femmes sont amenés dans un monde où toutes les inhibitions tombent, où la lumière triomphe du spectre ombrageux de la société. Vincent est diplômé de La Chambre Syndicale de la Couture, désormais Institut Français de la Mode, et a fait ses armes chez John Galliano, Maison Margiela, Saint Laurent et Balmain. Son esthétique et son approche subversive de la mode en ont fait le protégé de Michèle Lamy, épouse et muse de Rick Owens, fusse-t-elle encore à présenter.
Fils d’une mère couturière pour les grandes maisons et petit-fils d’un tailleur, la technicité qui coule dans ses veines sillonne également les regards d’un publique envouté.
L’élégance Pressiat est pour tous les genres. Ses silhouettes signatures toujours sculpturales sont présentes grâce à des pièces et des coupes intensément travaillées. Posées sur les épaules, des cages corsetées structurent le corps, les robes fourreaux sont coupées dans une seule pièce de soie, les vestes sont ajustées, en faux cuir d’autruche avec des manches bouffantes, ou version gothiques déchirée à la Tim Burton. Les tricots déchiquetés, les robes chaîne découpées dans un patron de corset, les chemises et jupes basculés, les pantalons à boutons-pression transformables et les T-shirt destroyed avec des imprimés en distorsion signés Nikkria, complètes sa garde-robe de la saison.La palette de couleurs va du nude au noir, de la transparence à l’opaque. Le cocooning est un aspect constant des collections Pressiat , un enveloppement protecteur et charnel à travers des formes volumineuses utilisant des jerseys et des matériaux doux. Cette saison, Pressiat propose son premier sac en forme de prisme. Des chaussures plateformes noires et nudes complètent les looks.
Tout en défilant, je ressens des frissons sur absolument tous les looks que je découvre ! L’héritage Galliano, Margiela, Balmain, McQueen et bien d’autres, était purement porté dans une autre sphère : celle de Marylin Monroe et Iggy Pop, dans une chorégraphie entre beautés vampiriques et performances techno provocatrices, avec une fidélité imparfaite à la chronologie.
Les muses de Pressiat, un casting composé d’amis, performers et danseurs, partagent son amour pour le scandale, et apportent beaucoup à l’équation de ses défilés. Foulant leurs talons vertigineux, elles laissent deviner la face cachée de la perfection apparente des années 50 : leur cri silencieux de mécontentement.
Inspiré par l’amour de Marylin pour la lingerie, Pressiat propose des pièces en nylon lacérés et effilochés. Une technique utilisée également pour les vestes, robes, jupes et corsets, qui symbolise la naissance d’une nouvelle peau coriace face aux changements de la société actuelle.
Photo HL_ERICHARD
Les réflexions du créateur amènent à d’autres questions essentielles, celles réunissant les nouvelles générations de plus en plus concernées : au-delà du style, le vocabulaire esthétique doit être social et environnemental. Qu’en est-il de Pressiat ?
SA PRODUCTION EST LOCALE
Lancée en 2021, son offre est pour l’instant composée de pièces produites en France et en Tunisie pouvant aller jusqu’à 13.000 euros pour les créations les plus élaborées.
Il PROMEUT L’ARTISANAT
« Pour moi, il est fondamental d’introduire la haute couture dans tout ce que je fais en utilisant un savoir-faire artisanal ou en ajoutant des éléments de lingerie, tout en conservant un positionnement prêt-à-porter haut de gamme », confiait-il à Fashion Netwok dans une interview.
SES ENGAGEMENTS – SA RAISON D’ETRE
Il n’a pas à affirmer un quelconque activisme, il incarne simplement et sincèrement un point de vue lisible notamment à travers des créations sans genre.
Le défilé est singulier, sans fioriture, loyal prolongement de son processus de création célébrant la joie, la confiance en soi, la mélancolie et allie artisanat, architecture et art à l’univers de la nuit.
J’aime la façon dont Vincent rend chaque corps, chaque visage beau… sans chirurgie (Make Me beautiful… vous avez la réf ?)… sans l’étiqueter « Diversité »… juste à travers son œil et son cœur aiguisés… et d’une manière que nous ne soupçonnons pas.
Bien que cette Paris Fashion Week femme SS23 fut incarnée par des modèles de tous les genres pour Pressiat, son défilé ne cessait de vaporiser à mon esprit la phrase d’Alexander McQueen :
« Quand les femmes que j’habille entrent dans une pièce, je n’ai pas envie que les hommes aient envie de les baiser. Je veux qu’elles entrent dans une pièce et que les hommes les craignent. »
More from Mode
Une mise en abîme des défilés Rick Owens, HOLLYWOOD SS25 Men and Women – Paris Fashion Week
Défilé Rick Owens Hollywood, SS25 Men Women, vu de l'intérieur.
RxCYCLE, le projet de Dr Romanelli (DRx) et LN-CC, ressuscitant les tissus morts-vivants d’anciennes sélections luxe
Pour leur dixième anniversaire la boutique Londonienne LN-CC s’est associée à Dr Romanelli (DRx), une des collaborations parmi vingt marques de créateurs conscientes …
Printemps 2021 : La collection Balenciaga plus durable
Les défilé et vidéo de la maison Balenciaga plongeaient en début d’année dans un spectacle terriblement apocalyptique, vaporisant des messages d’alertes sur le réchauffement climatique …