Cette jolie jeune femme brune, discrète, porte en elle une grâce tranquille, détonnant avec l’énergie qui se dégage de son parcours, quand on le connait…
Au-delà d’une certaine circonspection naturelle, sera révélée, au fil de nos échanges, une personnalité plus intense, pleine de panache…
J’ai eu l’occasion de croiser la détermination de cette jeune femme passionnée à l’Ethical Fashion show de Paris.
LINDA MAI PHUNG est la créatrice de la marque éponyme de prêt-à-porter féminin, éthique, française aux racines vietnamiennes…
Les collections s’inspirent de ses voyages à travers son pays, et de son héritage culturel, alliant qualité, éthique, savoir-faire et élégance.
Le début…
Lorsqu’elle a obtenu son diplôme de design de mode à L’école Supérieure D’Arts Appliqués Duperre à Paris, Linda a travaillé en tant que designer et styliste pour de grandes maisons comme Guy Laroche pour ne citer qu’elle.
En 2007, elle se rend au Vietnam pour la réalisation du documentaire photographique «Artisanat et Développement au Vietnam» (sous le couvert de la mairie de Paris), ce fut les prémices de Linda Mai Phung, une marque personnelle et le reflet des valeurs de la créatrice.
La créatrice veut donner un sens à sa mode, imprégner de diverses connotations la griffe qui porte son nom.
Les créations…
Les créations originales illustrent un carnet de voyage personnel et poétique. Elles sont confectionnées exclusivement avec des étoffes vietnamiennes ou issues du recyclage : soieries, lin, coton, chanvre indigo tissé et teint à la main, et textile vintage des minorités ethniques sino vietnamiennes (batik, brocades, broderies).
Une première question me taraude : Le vintage des minorités ethniques sino vietnamiennes, qu’est ce que çà peut bien être ?
S’agit-il de vintage comme on l’entend ici, des vêtements de collections anciennes ?… est-ce du vintage « local » ou « colonial » même si ce terme me file de l’urticaire ?
Je parle de vintage car ce sont les costumes traditionnels des minorités ethniques qu’ils ne portent plus et vendent au marché. Certaines personnes collectionnent ces vêtements comme des tableaux de maitres tellement les broderies sont délicates, complexes…et belles. Du travail d’artiste !
m’apprend-elle tout en me faisant voyager sans le savoir…
Elle me confie aussi que les filles Hmong passent presque 2 ans à réaliser une jupe, qu’elles inaugureront à 16-17 ans ( !), lors de leur mariage…
Dans son discours, sans pudeur, et au contraire avec une certaine fierté, elle vaporise à mes yeux des images fortes, teintées d’une charge émotionnelle certaine, qui rappellent l’histoire et ses plaids, à l’entendre, pas encore tout à fait cicatrisées.
Je suis séduite, par la marque qui a le mérite de revendiquer une belle démarche avec beaucoup d’esthétisme, mais aussi par la femme, le projet et toute la dualité qu’ils portent en eux…
C’est une jolie confusion de l’orient et de l’occident.Alors que la course au profit relègue, dans l inconscient collectif, l’industriel occidental dans un rôle de conquérant des pays du sud (comme Apple ou Zara, mais il y en a d’autres…),
« épuisant les ressources, aliénant les personnes, affamant les peuples », pour reprendre les termes de Pierre Rabhi… des initiatives comme celle de Linda, tendent à rendre ce constat de moins en moins vrai…
C’est un message qu’enseigne Gandhi
La planète peut pourvoir aux besoins de tous, mais non pas satisfaire la cupidité de certains
(…voilà, voilà, c’était le volet philosophique du post !)
LINDA MAI PHUNG se fait, à son niveau et via le support « vêtement », l’écho du savoir-faire vietnamien et de l’artisanat traditionnel des minorités ethniques.
Sa démarché écologique …
J’utilise des lins et coton issus des rebuts de l’industrie du textile à Ho Chi Minh Ville. Evidemment, cela fait de petites séries, mais lorsque je viendrais à avoir de grosses commandes, je passerai au lin et coton bio. J’ai déjà mes contacts pour ces matières « propres » (en gagnant le prix Ethical Fashion Show, CELC m’a fait rencontrer des fournisseurs français). Je n’attends plus que des grosses commandes pour atteindre les minimums de commande attendus par ces partenaires.
Evidemment, en attendant je mets un point d’honneur à n’utiliser que des matières naturelles et locales, comme la soie que j’adore.
Ce point d’honneur implique aussi de renoncer à certaines fantaisies plus « vendeuses », car elles ne sont ni écolo, ni éthique, mais ce challenge la stimule :
Je crée aussi mes collections en ayant conscience que certains ornements ou textile ne seront jamais envisageables, même si c’est a la mode, même si c’est très joli.
Ca peut apparaitre comme une contrainte mais en fait, ça me pousse à aller au delà de la séduction et du formel et a être plus créative, trouver des solutions, des compromis entre respect de l’environnement, bien-être du client et mode : c’est un peu la définition du design en fait.
…et pour la touche trash…mais finalement plus raffinée que ce que l’on pourrait penser
Autrement, je créé des imperméables plutôt excentrique et chouette en sacs de nourritures industriel pour les cochons et les poissons chats qui sont récupérés et laves après usage.
Les Prix …
Quand je lui demande de donner une idée du prix de ses vêtements pour les positionner à l’esprit des consommatrices/lectrices, elle explique :
Linda Mai Phung est une marque éthique donc je respecte les travailleurs, le créateur, le revendeur et le client. Donc, mes tops en coton sont dans les 45 euros jusqu’aux robes en soie qui atteignent maxi les 200 euros.
Ce qui est plutôt juste à mon sens, pour du « green »…
Le mot de la fin résume la ténacité douce, l’ardeur discrète qui la caractérise !
Lorsque j’ai commencé ma marque à 25 ans, les gens me trouvaient trop jeune… je dis tout le temps que j’ai eu cette grande chance dans ma vie de savoir ce que je voulais faire depuis très, très jeune, et surtout maintenant, la chance de réaliser qu’il est possible de concilier ma passion et mes valeurs !
Donc, je voudrais juste faire passer le message que réaliser ses rêves est envisageable dès lors qu’on est un peu déterminé et qu’on ne se laisse pas abattre pour des petits soucis. Bon, je ne suis pas wonder woman non plus, il m’arrive d’angoisser aussi…
Monter ma marque était aussi le résultat de plusieurs voyages au Vietnam en vacances lorsque j’étais enfant avec ma famille ou parfois, la misère des habitants me frappaient alors qu’ils ont tellement de talents ! Aujourd’hui le Vietnam évolue très, très, vite, mais il y a encore beaucoup de disparités sociales.
Comme tu le vois, mes motivations sont multiples et très personnelles.
Pour la suite…
En ce qui concerne ses projets à venir, la créatrice envisage l’ouverture en 2012 une boutique à Ho Chi Minh Ville et également une boutique en ligne pour l’Europe et les Etats Unis.
Elle se concentrera sur le chantier de la « bascule » au 100% coton bio et lin bio, et prévoie la création d’une collection homme.
Elle s’implique en plus de ce vaste programme dans le milieu associatif
Je travaille avec des associations de réinsertion sociale au Vietnam pour développer une collection d’accessoires…
Que répondrais-tu au cliché de la mode bio c’est pour les riches ?
Que c’est un cliché…!!!
Sérieusement, qu’il ne faut pas avoir peur de s’engager pour une mode meilleure, et que la qualité du produit et le respect des travailleurs (pour la mode éthique) et de l’environnement, cela a un prix.
Il est vrai que certaines marques abusent un peu sur les prix ou pire encore, utilisent le « greenwashing » comme argument d’un prix élevé.
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